Autour de la révolution
C’est en 1604 que les Jésuites obtiennent la direction d’un collège à Rennes. Les bâtiments sont construits à l’emplacement de l’actuel lycée Émile Zola. Pour pallier l’absence de l’étude des mathématiques dans cet établissement, les Etats de Bretagne créent en 1754 une école de mathématiques. Elle est confiée à Mathurin Thébault (1727-1801), un proche de La Chalotais qui s’intéresse également aux progrès de l’agriculture et à la médecine.
Le premier souci de la municipalité rennaise en janvier 1790 est d’intégrer le cours de Thébault dans l’enseignement du collège. Quand la Convention créé les écoles centrales, c’est encore Thébault qui assure le cours de mathématiques : Dans ses démonstrations, il tâche de parler pour tous, répond-il à une enquête. Parmi ses élèves, de futurs scientifiques de grande valeur, comme Paul-René Binet dont le frère cadet sera professeur à Polytechnique, au collège de France, etc. et a laissé son nom à des formules connues.
La création de la Faculté des sciences en 1840
La monarchie de juillet est favorable à la création de grands centres universitaires et Rennes est choisie de préférence à Nantes en 1840 : la bataille entre les deux villes est acharnée, mais Nantes n’est en fait intéressée qu’à une faculté de médecine et le ministre Cousin, sensible aux efforts financiers de Rennes, y crée une faculté des sciences le 12 septembre 1840. La rentrée solennelle du 10 novembre 1840 voit Dujardin, nommé professeur de zoologie et botanique et doyen, se féliciter qu’on ait voulu favoriser, dans notre terre natale, ce caractère sérieux et réfléchi, ces habitudes morales et laborieuses qu’il est facile d’y reconnaître.
Les premiers professeurs sont de grande qualité, choisis par jury parisien : Jules-Marie Vieille pour les mathématiques ne restera qu’un an, allant faire passer le baccalauréat à Angers, Nantes ou Brest.
L’enseignement aura lieu au premier étage de l’actuelle mairie jusqu’en 1855, puis dans le nouveau palais universitaire, un lieu crotté qui paraît bien éloigné au professeur de chimie Malaguti.
Les postes de mathématiques dans la seconde moitié du siècle
Après le départ de Vieille, c’est Chenou qui est nommé. La chaire est dédoublée en 1846 et Chenou conserve la chaire de mathématiques pures ; lui succèdent Peslin (1854-1869), Didon (1869-1870) un normalien brillant qui meurt prématurément, Morin (1870-1872), Pujet (1872-1904), qui livre à un constructeur américain les plans d'un gouvernail propulseur de son invention (1885). Dans la chaire de mathématiques appliquées, on voit Dupré (1846-1869), Durrande (1869-1877) et Morin (1877-1902).
Des maîtres de conférences sont nommés à partir de 1884 ; ils ne restent pas longtemps en général. Jules Molk (1857-1914), qui a suivi des cours de Weierstrass, reste un an avant d’aller à Nancy développer son projet d’Encyclopédie des sciences mathématiques pures et appliquées. Jules Andrade (1857-1933) est maître de conférences en 1891 ; il s’engage dans la politique, prend part aux côtés de Victor Basch à la défense de Dreyfus, somme son camarade de promotion, le général Mercier, de dire toute la vérité, ce qui entraîne sa mutation à Montpellier ; il sera plus tard correspondant de l’Académie des sciences. A cette époque, Pierre Weiss est maître de conférence de physique, dreyfusard et commence ses travaux sur le magnétisme. Il sera professeur à Strasbourg, acquerra une renommée mondiale et sera le beau père d’Henri Cartan.
La première moitié du vingtième siècle
La Faculté des sciences emménage dans un nouveau bâtiment construit par l’architecte Martenot en 1896.
Un renouvellement complet des enseignants de mathématiques a lieu autour de 1900. Jean-Marie Le Roux (1863-1949) arrive en 1898. Il a soutenu une thèse d’analyse en 1895 et Poincaré le cite avec éloges. Il occupe la chaire de mathématiques appliquées de 1902 à 1933. En 1922, il publie des critiques de la théorie de la relativité d’Einstein. Henri Lebesgue (1875-1941) lui succède de 1902 à 1906 dans le poste de Maître de conférences. Il vient de soutenir sa thèse célèbre : Intégrale, longueur, aire où il construit ce qu’on appelle aujourd’hui l’intégrale de Lebesgue ; il produit des travaux importants durant ses années rennaises.
Louis Antoine (1888-1971) a perdu la vue le 16 avril 1917, blessé dans une attaque près de Reims. Lebesgue le pousse à devenir professeur d’université et le dirige vers la topologie. Antoine soutient sa thèse en 1921. Il enseignera à Rennes de 1922 à 1957, s’appliquant aux tâches administratives et à son enseignement : il avait installé un système de planches le guidant pour écrire au tableau ; sa femme l’assistait pour la correction des copies.
Dans les années 1930, de grands mathématiciens, Dieudonné et Chevalley, passent quelques années à Rennes avant de trouver des postes ailleurs.
Le grand développement du début des années 1960
Yves Martin et Roger Apéry commencent à enseigner à Rennes en 1947. C’est Yves Martin qui organise le premier développement du département de mathématiques, recrutant beaucoup de mathématiciens de valeur : c’est une base solide, porteuse des développements futurs.
Michel Métivier et Christian Coatmélec sont les premiers ; puis arrivent Jean Houdebine, Jacques Roubaud, Georges Glaeser, Jean-Paul Benzécri, Yves Guivarch, Jean-Claude Tougeron, Jean Bénabou, Italo Giorgiutti et bien d’autres. Le département compte alors, c’est exceptionnel, trois femmes professeurs : Marie Charpentier, Huguette Delavault et Paulette Libermann.
De 1960 à 1965, date à laquelle il part à Paris, Jean-Paul Benzécri participe à de nombreux travaux, crée avec Coatmelec le premier centre de calcul de la Faculté (arrivée d’un IBM 1620 baptisé Caroline), s’engage dans la linguistique et dans l’analyse des données : la grande école française d’analyse des données est née à Rennes.
La Faculté des sciences déménage une nouvelle fois, venant occuper les terrains des buttes de Coësmes, entre Rennes et Cesson ; c’est le début du campus de Beaulieu qui s’agrandira peu à peu ; des collègues partent, de nouveaux arrivent.